Il avait les yeux verts, des pulls en jacquard tricotés par sa maman, un blouson en cuir, il était grand, élancé, et quand il s'asseyait au bout d'un wagon de train, ou dans le coin près de la fenêtre d'un café, il remontait son col, rentrait son cou, sortait un livre et plongeait dedans...
Il a eu 10 ans en 68, il était déjà en 5ième parce qu'il avait 2 ans d'avance le p'tit malin, du coup : son bac C en poche en 76, le voilà parti faire la taupe à la grande prépa du Parc... Serait-ce ici que tout a commencé?
Il parlait Chinois, Swaïli, Turque, Brésilien, italien, anglais, espagnol, allemand, mais il était incompris de tout le monde...
Il était prix de conservatoire en violon (mention très bien avec félicitations du jury, oui!), dans l'équipe de France de ski vers la fin des année 70, et classé au niveau régional en hockey sur glace mais ne s'en ventait pas…
Il avait le permis de conduire les autos, les motos, les bateaux et les avio(n)s alors du coup il a globe-trotté tout autour du monde, oui partout partout : Désert de Gobie, Route des Incas, Etats-Unis, Chine, Tibet, Japon, Sénégal, Zaïr, Turquie, Maroc, Algérie, Allemagne, Italie … Seul avec son grand sac à dos de 70L car c'est finalement ainsi qu'il vivait, en s'enivrant de liberté, bien mieux seul qu'avec une p'tite pépé !
Et puis, non content du violon il a frappé les cordes du piano, gratté celle des guitares, goûté la saveur boisée de sa flûte de pan, taquiné les touches d'un xylophone cabossé…
Mais seulement voilà, il parlait aux nuages, sifflait un peu trop fort dans la rue pour faire fuir les badauds, portait des boules quiès nuit et jour pour se protéger des bruits qui parasitaient sa quiétude, passait ses nuits à se tourmenter sur l'avenir du monde au point d'en perdre la boule…
Ce fut un savant fou à qui, « finalement, finalement » comme disait Jacques Brel, il aurait fallut « bien du talent pour être vieux sans être adulte ». Et sans doute Loïc Lantoine, aurait rajouté qu'il courait « dans l'autre sens que la terre » ,il a couru et s'est fatigué, et n'a rien rattrapé, et le temps ne lui a laissé « que souvenirs et regrets », il courait…, il a couru, dans son grenier, et quelques pas plus tard il est tombé, disloqué au bout de sa corde qui tournoyait…
C'est ainsi qu'il n'atteindra pas son demi siècle en 2008, et si je lui rend hommage aujourd'hui c'est parce qu'au bout du compte, il a tout emporté avec lui, il est parti sans rien laisser, pas un livre publié, pas une chanson distribuée, à peine un casier judiciaire au Tibet où il a passé 1 mois enfermé car « trop de liberté tue la liberté » et c'est bien là, le cas de le dire, quelle idée de tomber pour des clichés volés dans une citée interdite… Ah si, une cassette audio avec quelques pistes bidouillées dans son salon, oui vous savez ces engins si familiers dont on ne distinguait parfois plus qu'un monticule de bobine marron, qui n'existent quasiment plus et qui nous rappellent que biensur nous ne sommes pas si vieux mais euh… quoi que… !
A l'heure où les médias nous rappellent que Simone de Beauvoir aurait eu 100 ans, et bien moi je vous rappelle l'existence avorté que fut celle de cet homme … et … pas n'importe lequel !
7 commentaires:
Purée mais c'est qui ce type??? Tu en as trop dit ou pas assez je veux savoir comment il est mort, comment il s'appelait, qu'a t il fait de tous ses talents? Raconte-nous un peu sa vie !
T'as pas une photo?
J'ai vu que c'etait un essai mais vois-tu il est tellement réussi que je veux en savoir plus meme si j'imagine que l'essai n'a pas de suite. Ton ecriture me plait j'ai hate de lire tes prochains petits mots enjoués et informatifs et cultivants!!
Bise bise
Comment il est mort c'est dit... Relis ;-) J'en dis trop et pas assez, c'est tout à fait l'effet escompté...
Une photo? (Ca en apprendra déjà trop!) Clique sur 2007 > septembre et le billet intitulé "Une belle (?) histoire".
Sinon il y à d'autres "essais" : clique toujours à droite sur "essais" !! Merci pour ces compliments et n'hésite pas à critiquer les autres en bien ou en mal, tant que c'est constructif!!!
Sinon, il aurait eu 50 ans AUJOURD'HUI...
Si je ne me trompe pas, il me semble que c'est grâce à lui que ce blog est né, grâce à lui que nous pouvons suivre chaque jour les mots, et parfois les maux, d'une jolie brune qui a le courage de réaliser ses rêves, grâce et aussi, quelque part, à cause de lui que cette fille qui nous fait elle même rêver est ce qu'elle est aujourd'hui... Il est celui qui lui manquera toujours...
Même si jamais personne ne le remplacera, n'oublie pas, jolie gitAnne, que tu es tout simplement quelqu'un de magique et qu'il y aura toujours des personnes sur qui tu peux compet..!
oups le dernier mot c'est "compter"... j'espère que je n'ai pas fait d'autre faute sinon je vais me faire taper sur les doigts ;)
Bel hommage que tu lui rends là ,il aurait apprécié ,j en suis sûre!!
Je suis très émue en lisant tes lignes si bien écrites.Elles sont pleines d'amour et de pudeur .
Pour moi ,il n'a pas tout emporté ,merci à lui pour le crapouillot qu'il m' a laissé ,il sera toujours dans notre coeur et notre esprit.
bises de ta BD
Coucou ma fille,
comme je te l'ai deja dit et tu le prouves encore aujourd'hui avec cet essai, tu as du talent pour l ecriture cela ne fait aucun doute!
Je pense avoir reconnu celui pour qui tu l'as ecrit et je dois dire que de la ou il est il doit surement etre tres fier de toi. Tu as vecu beaucoup plus de choses dans ton adolescence que la plupart d'entre nous et je trouve que tu t'en sors a merveille! Tu vas toujours au bout des choses et je trouve que tes reves sont magnifiques et j'espere sincerement que tu pourras les realiser!
Elle est bien loin ma petite Anne avec son cartable trop grand et son ''vous voulez de l'eau les filles'';-)!
Je t embrasse du lointain froid canadien.
Il m'apparait clairement, compte tenu du fait que tu veuilles retrouver ses pistes, géographiques, magnétophoniques, spirituelles et autres que tu parles de quelqu'un auquel te lie un lien de sang. Est-il parti sans régler ses comptes avec toi ? Peut-être, mais il est parti après avoir vécu une vie choisie et non subie. C'est la damnation de l'intelligence que cette faculté de ''lire entre les lignes'', une partition que pour l’instant tu ne vois pas. Ne chaîne pas trop le monde et ne piste pas la logique de nos écoles, tu n’iras pas loin avec. La grande leçon de l’Inconnu est l’usage systémique d’une liberté totale, scientifique, dirais-je. Ta liberté, vécue et choisie, te révèlera la sienne, n’en doute pas, mais ne le cherche pas sous la contrainte de la reconstitution policière. Prends son enseignement et ta propre géométrie se mettra alors en œuvre et comme le résultat mathématique surprend toujours par sa soudaineté, sa vérité te surprendra à un moment inattendu, à Oulan Bator, Séville ou Paris…
Feliz Noche de Reyes …
Mo’
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