C'en est trop, trop, trop, trop, trop pour mon petit coeur de jeune femme d'un mètre soixante ; je déborde, j'explose... d'émotion!
Mardi 26 juillet (précisément jour de la Sainte Anne), aéroport Tocumen de Panama, 10h47, porte 30 , destination KINGSTON.
KING-STOOOOOOOOOOONNNNNNNN!!!!!!!!!!!!!!!!
Et ce n'est pas tout ; assise au comptoir d'un Dunkin Donut avec un blueberry muffin et un double expresso, voilà que dans mes oreilles sonne un GROS dancehall made in Jamaica, mais ce qui m'a définitivement achevée c'est ce Chan Chan (chanson cubaine ultra populaire) qui est venu juste après. Les sanglots m'ont pris d'assaut et il me fut impossible de les ravaler, pire ils ont redoublé quand j'ai vu Santiago de Chile porte 28 et Quito porte 29.
Mon dieu, tout ça c'est trop pour moi, je viens de quitter Cuba où j'ai passé un mois qui m'a paru une semaine (et je ne réalise toujours pas!), je vais en JAMAIQUE (je n'y crois pas non plus même devant le panneau qui annonce Kingston), j'ai passé une nuit d'escale au Panama ; l'Amérique centrale qui me rapproche de l'Amérique du Sud et me rappelle énormément mon voyage Colombie-Equateur-Pérou-Bolivie-Chili : c'est trop, trop, trop, beaucoup trop pour moi!
Je crois que jamais de toute ma vie je n'aurai d'aussi beau cadeau pour ma fête... à moins que mon premier enfant ne naisse ce jour là!
Ah, et puis pour couronner le tout, les premiers rastas arrivent à la porte d'embarquement : à ma gauche, un métisse magnifique qui a quitté ses tongs et se balade pieds nus sur la moquette.
Tiens, je crois qu'il est temps d'embarquer justement, j'ai un peu le track!
(...)
Dans l'avion.
Maintenant je dois absolument raconter cette nuit au Panama et les larmes d'hier qui elles, étaient bien loin d'être d'émotion ou de joie...
Jamais, je dis bien JAMAIS, je n'aurais pensé avoir un tel CHOC en arrivant au Panama après avoir passé un mois à Cuba. Cela commença dès l'avion lorsqu'on me servit un Coca-Cola light : le tout premier après mon départ de France. C'est bête hein, mais ça m'a fait un bien fou!
Certes, cela reste postif, mais après ça se complique...
Je suis arrivée de nuit et me suis offerte le luxe de me payer un taxi pour aller jusqu'au centre historique où je devais retrouver Jorge qui allait m'héberger en "couchsurfing" pour la nuit. Depuis le taxi j'ai découvert une ville envahie par les buildings type gratte-ciels américains, à tel point que j'avais l'impression de débarquer dans un film du futur type le "5ème élément" ou sur n'importe quelle île artificielle des Emirats Arabes! Le second choc fut... ... ... apercevoir un MacDonald!!! Puis tout c'est enchaîné : des grosses bagnoles américaines, des affiches publicitaires pour Samsung, Nike, Movistar et mille autres marques bien capitalistes, des centres commerciaux type "mall", des grandes avenues propres et bien éclairées sans aucunes ruine, sans aucune âme ; froid, vide...!
Heureusement, j'avais rendez-vous avec Jorge a l'auberge de jeunesse Luna's Castel dans la vieille ville et je me détendais un peu en voyant les maisons coloniales, les fleurs au balcon, les chats se battant dans les ruelles sombres et les stands mal éclairés de nouriture qui pue le graillon... mais cela ne dura pas bien longemps car à peine entrais-je dans l'hôtel que je me reprenais une claque : c'était la typique auberge de backpackers underground genre "je suis un mec trop stylé qui voyage", et c'est là que j'ai eu vraiment envie de pleurer car je me retrouvais au milieu des "miens" et je me sentais plus étrangère que jamais... J'avais l'impression d'entrer dans une ambiance de cool-attitude surfaite où ce qui prime est le paraître, au détriment de la simplicité et de l'humain. Je ne veux pas passer pour une rebelle qui se veut différente, je raconte juste le malaise que j'ai ressenti et qui était bien réel...
Je ne sais pas vraiment comment expliquer tout cela, mais je venais de Cuba, une île sous embargo dans un système socialiste, coupée du monde par la mer et le régime, où les gens vivent dans une réalité en apparence similaire à la notre mais en fait bien différente.
A Cuba on vit dans un autre monde, un autre temps, à un rythme différent. Les cubains sont extrêment accueillants, chaleureux, tendres, bien éduqués et passent leur temps à magouiller pour gagner quelques CUC ou dégoter une paire de tongs, un t-shirt de marque, n'importe quelle connerie... Il n'y a aucune publicité ni dans la rue ni à la télé, uniquement les phrases de la révolution sur la moitié des murs du pays, et des annonces d'évènements culturels ou d'hygiène à la télé.
Ici, c'est comme chez nous voire pire car c'est Américanisé. Ici les gens n'ont pas besoin de se battre pour s'en sortir entre deux monnaies et ont tout à porté de main, comme moi à Paris, sauf que j'ai fait un tel effort d'adaptation à Cuba que je me suis prise le revers de la médaille en pleine tronche. J'ai eu envie de chialer en voyant ces espèce de "beaux gosses" avec leur barbe de trois jours et leur casquette de skateur qui se la racontaient en parlant fort avec un bière à la main, j'ai eu envie de chialer en voyant ces pin-up qui déambulaient le nez en l'air genre "T'as vu ma robe? je suis la plus belle"... Je me suis assise face à la réception dans le salon où tous ces jeunes étaient en train de se pavaner et mon dieu ce que je me suis sentie seule et paumée, rien que d'y repenser et de l'écrire là tout de suite, j'en ai de nouveau les larmes aux yeux. Je ne sais pas si quelqu'un pourra un jour comprendre ce qui m'est arrivé, je l'espère parce que sinon je me sentirais bien seule...
Bien entendu, personne n'est venu me parler, n'étais-je pas assez bien habillée pour eux? Pas assez "cool", dans le style (prononcer staïle!), le mouv, la vibe, tout ce que vous voudrez... En réalité si, le seul qui s'est approché est un jeune Panameño avec un tête d'ange. Un jeune homme doux et simple avec qui j'ai échangé quelques mots pendant qu'on lisait respectivement nos emails. Oui parce que là pour le coup c'était la fête ; Noël, jour de l'an, Pacques et 14 juillet en même temps : il y avait une connexion WIFI gratuite dans l'hotel!!!!
Un autre choc fut d'ailleurs de voir partout sur les murs du bar de l'auberge : "Rejoignez-nous sur facebook, gagnez des boissons, réservez pour votre anniversaire..."
Bref, Jorge est arrivé au bout d'une petite heure et m'a sauvée de cet endroit où j'étais en train de me décomposer.
Jorge a 21 ans, l'âge de mon petit frère, il est métisse, étudiant en cinéma et gay! Il est très influencé par la culture américaine mais son âme est définitivement latine et artistique alors nous nous sommes bien entendus. Nous avons fumé (enfin ils ont fumé!) de la beuh dans une pomme (oui vous avez bien lu, un bang fait dans une pomme!) caché dans les toilettes derrière le théâtre de l'auberge pour le départ d'une de ses collègues (il est également réceptionniste dans ce même hôtel), puis nous sommes partis tous les deux faire le tour de la vieille ville. Nous avons traîné dans les rues calmes et à peine éclairées du centre historique jusqu'à 2h du mat' et sommes rentrés nous coucher. Enfin, il s'est couché et moi j'ai passé 1h30 sur facebook : gratuit, en WIFI et dans mon lit!!! Nan mais vous vous rendez compte?! ;)
Et voici, le capitaine vient d'annoncer la descente vers la ville de Kingston, je crois qu'il est de rigueur d'éteindre l'ordinateur...
Je suis dans un espèce d'état de semi-transe, sur le point d'aterrir en Jamaique je n'y crois toujours pas, j'ai un peu peur de débarquer là toute seule et en même temps je suis surexcitée.
Panam, Panam, Panama... Kingston me voilà!